Gestion des incidents pour les équipes haute vélocité
Comprendre et lutter contre la fatigue d'alerte
En 2013, dans l'un des meilleurs hôpitaux des États-Unis, un garçon de 16 ans a reçu une surdose de 3 800 % de son médicament.
Le système d'alerte intégré de l'hôpital a remarqué la surdose et envoyé des alertes à un médecin et à un pharmacien. Et pourtant, peu de temps après, la surdose a été administrée. Les convulsions et la paralysie totale se sont installées, et le pronostic vital du garçon a été engagé.
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Comment cela a-t-il pu se produire ? Surtout si le système de sécurité avait détecté le problème avant que les médicaments ne soient administrés au garçon.
Réponse ? La fatigue d'alerte.
Le médecin et le pharmacien ont tous deux ignoré l'alerte du système, car ce même système génère des alertes pour environ 50 % des centaines d'ordonnances qu'ils traitent chaque jour. Ils avaient appris que la plupart de ces alertes étaient de fausses alarmes, et, comme mécanisme de défense, ont commencé à y jeter un coup d'œil, tout au plus.
Résultat, un garçon qui aurait dû prendre un seul cachet en a pris 38. Bien qu'il ait finalement survécu, les conséquences sur sa santé ont été importantes.
Les histoires de ce genre sont courantes, et trop souvent fatales, dans les hôpitaux et l'industrie aéronautique. En fait, un sondage de 2013 a révélé que 19 hôpitaux sur 20 classent la fatigue d'alerte comme leur principale préoccupation en matière de sécurité.
Bien que les risques soient différents, la fatigue d'alerte est également courante pour les équipes informatiques et DevOps, qui surveillent les technologies disponibles en continu sur lesquelles reposent nos entreprises.
Qu'est-ce que la fatigue d'alerte ?
La fatigue d'alerte (également appelée fatigue d'alarme) se produit lorsqu'un nombre incalculable d'alertes rend les personnes chargées d'y répondre insensibles, ce qui les pousse à manquer ou à ignorer des alertes ou à répondre tardivement.
Pour beaucoup, le nombre total d'alertes constitue le cœur du problème. Il est facile de répondre à une seule alerte, même si elle interrompt le cours normal du travail ou le temps libre d'un employé d'astreinte. Répondre à une dizaine d'alertes successives, c'est plus difficile. Plus le nombre grimpe, plus il est probable qu'un employé manque un élément important.
En outre, de nombreuses alertes sont de fausses alarmes, ce qui accentue encore le problème. Dans le secteur médical, une étude montre que 72 à 99 % de toutes les alertes cliniques sont de fausses alarmes. Dans le domaine de la sécurité, une enquête a révélé que 52 % des alertes étaient de fausses alarmes et que 64 % étaient redondantes.
Ce nombre élevé de fausses alarmes incite les travailleurs à penser que la plupart des alertes sont fausses et à agir en conséquence, à l'instar du médecin et du pharmacien cités plus haut qui ont tous deux ignoré l'alerte de surdose du système, en supposant qu'il s'agissait d'une énième fausse alerte.
La fatigue d'alerte : psychologie
La fatigue d'alerte est l'un des dix principaux problèmes de sécurité dans les hôpitaux. En effet, ignorer les alarmes fréquentes constitue une réponse psychologique classique à un nombre incalculable d'alertes.
Pour expliquer ce phénomène, nous parlons de banalisation, de désensibilisation ou d'accoutumance, trois concepts qui signifient à peu près la même chose : plus vous êtes exposé à quelque chose, plus vous le tolérez, le banalisez et l'ignorez.
Cela s'applique aussi bien à la sphère professionnelle qu'à la sphère privée. Par exemple, les films romantiques mettant en scène des hommes insistants affectent significativement la tolérance des femmes à l'égard des comportements de harcèlement dans la vie réelle. L'indifférence totale face au joint torique principal de la navette spatiale Challenger a provoqué son explosion en 1986. Quand le parc national de Petrified Forest en Arizona a mis en place des panneaux pour décourager les gens de voler le bois pétrifié, les panneaux ont eu l'effet inverse : ils ont banalisé les vols qui ont ainsi augmenté.
Tout comme un flot infini de canulars téléphoniques vous inciterait à bloquer un numéro ou à éteindre votre téléphone, un flot infini de fausses alertes ou d'alertes redondantes ou sans importance pousse souvent à les ignorer. C'est dans la nature humaine.
La normalisation des alertes en général n'est pas la seule à l'œuvre. La répétition d'une même alerte accentue encore la fatigue d'alerte. Une étude a montré que la probabilité pour les cliniciens d'accepter une alerte diminuait de 30 % avec chaque rappel.
La fatigue d'alerte : risques
Alertes manquées ou ignorées
Comme dans l'exemple de l'adolescent hospitalisé, le plus grand risque posé par cette fatigue est de manquer ou d'ignorer des alertes. Lorsqu'un système d'alerte crie trop souvent au loup ou ne différencie pas les alertes dangereuses (comme une surdose de 3 800 %) des alertes mineures (comme une surdose de 0,1 %), les travailleurs se conditionnent pour y accorder moins d'attention.
Au sein des équipes informatiques opérationnelles et DevOps, cela peut entraîner une multiplication des incidents et des conséquences majeures en termes de chiffre d'affaires, de coûts et de réputation de la marque.
Délais de réponse allongés
La fatigue d'alerte impacte également les temps de réponse. Même si les alertes ne sont pas manquées ou ignorées de façon permanente, elles peuvent être temporairement ignorées. Après tout, si les dix dernières alertes étaient des fausses alarmes, un employé d'astreinte est-il autant susceptible de sortir de table ou de se réveiller pour la onzième que pour la première ? Ou peut-il juste finir de dîner en paix ?
Burn-out
Les alertes constantes, les interruptions de sommeil et les boîtes de réception surchargées mènent tout droit au burn-out des employés et peuvent engendrer une rotation du personnel plus élevée, une satisfaction professionnelle plus faible et une baisse de la productivité.
Comment éviter la fatigue d'alerte
La fatigue d'alerte est un problème important dans de nombreux secteurs, et les conséquences sont désastreuses. Alors, comment éviter les alertes ignorées, les délais de réponse allongés et le burn-out des employés ? Les experts indiquent que les processus et politiques d'alerte eux-mêmes constituent la voie à suivre.
Définissez des seuils intelligents
Pour éviter que les alertes ne submergent vos professionnels d'astreinte, fixez des seuils adaptés pour eux. Les questions clés à se poser sont les suivantes : chaque alerte nécessite-t-elle une attention immédiate ? Toutes les alertes sont-elles identiques ? Quels sont les problèmes nécessitant une alerte immédiate et lesquels peuvent être résolus pendant les heures de travail normales ?
La réponse ? Il faut toujours trouver un juste milieu. Un trop faible nombre d'alertes peut vous faire manquer des incidents, mais un trop grand nombre aussi en raison de la fatigue d'alerte.
Les entreprises de technologie ont du mal à trouver le juste milieu. Mais si vous ne le faites pas, les systèmes sont submergés par les alertes, ce qui entraîne des situations comme celle qui a conduit à la surdose de 3 800 %.
L'aviation semble montrer la voie dans la lutte contre la fatigue d'alerte, en partie parce que le secteur a fixé des seuils élevés. L'ordinateur peut suivre plus de 10 000 points de données, mais le pourcentage de vols ayant enregistré des alertes (même mineures) est inférieur à 10 %.
Comme le souligne le capitaine Chesley « Sully » Sullenberger dans un article de Medium Backchannel :
« Les avertissements dans les cockpits sont maintenant priorisés afin d'éviter la fatigue d'alerte… Nous travaillons très dur pour éviter les faux positifs. En effet, ils affectent considérablement n'importe quel système d'avertissement. Les gens ont juste envie de les ignorer. »
Définissez des priorités d'alerte hiérarchisées
Si toutes les alertes ne se valent pas, elles ne devraient pas apparaître de la même façon dans le formulaire d'approbation d'un médecin, la boîte de réception d'un développeur ou le tableau de bord d'un pilote. Le classement des alertes par priorité et l'utilisation de signaux visuels, sonores et sensoriels pour indiquer leur importance peuvent réduire considérablement la fatigue d'alerte.
Dans le cas de la surdose de 3 800 %, le cœur du problème résidait dans le fait que le système présentait des seuils d'alerte très bas et que chaque alerte recevait la même priorité. Les alertes de surdose de 0,1 % et de 3 800 % étaient similaires. Étant donné que 50 % des demandes de médicaments généraient ces alertes, les cliniciens avaient pris l'habitude de toutes les ignorer.
À nouveau, l'industrie aéronautique montre l'exemple, puisqu'elle fixe non seulement des niveaux de priorité agressifs, mais elle indique aussi clairement la priorité avec différents signaux visuels et sensoriels. Une alerte rouge (avec des voyants rouges, un message en rouge, un avertissement vocal et une vibration dans le mécanisme de direction) apparaît sur le tableau de bord du pilote uniquement si l'avion risque de décrocher et si le pilote doit agir immédiatement. Ces alertes ne doivent en aucun cas être ignorées et sont donc classées dans une catégorie spéciale.
D'autres alertes (même des alertes qui semblent alarmantes pour ceux d'entre nous qui volent souvent, notamment un incendie moteur ou une dépressurisation de la cabine) sont déclassées en avertissements (événements qui auront une incidence sur la trajectoire de l'avion), en mises en garde (événements qui doivent être immédiatement portés à la connaissance du pilote, mais qui ne nécessitent pas forcément une action immédiate) et en conseils (événements qui ne nécessitent aucune action, mais qui doivent être portés à la connaissance du pilote).
Moins une alerte est importante, plus les signaux visuels, sonores et sensoriels diminuent. Les avertissements déclenchent des voyants et des messages rouges, ainsi que des alertes vocales (mais pas de vibration dans le mécanisme de direction). Les mises en garde déclenchent généralement des voyants et des messages orange. Les conseils, quant à eux, entraînent des messages orange. Aucun voyant ne s'allume.
Sur la base de ces signaux, les pilotes reconnaissent instantanément les alertes prioritaires et celles qui peuvent être raisonnablement ignorées pour l'instant s'ils doivent faire face à une autre tâche importante ou à une série d'alertes prioritaires.
Assurez-vous que les alertes sont exploitables
Les alertes imprécises nécessitent plus de concentration, d'attention et de temps que les alertes spécifiques et exploitables. Exiger davantage de concentration et d'attention de la part de travailleurs déjà fatigués par le nombre d'alertes entraînera sans nul doute une baisse de productivité et des alertes manquées.
C'est un autre domaine dans lequel nous pouvons apprendre de l'industrie aéronautique. Pour chaque type d'alerte qui apparaît sur le tableau de bord du pilote, il existe aussi une checklist exploitable qui correspond à l'alerte.
Consolidez les alertes redondantes
Les alertes redondantes sont l'un des principaux responsables de la fatigue d'alerte. Une étude a montré que pour chaque rappel d'une même alerte, l'attention de la personne chutait de 30 %. Une autre étude a constaté que plus de 60 % de toutes les alertes dans les systèmes de sécurité étaient redondantes.
Consolider ces alertes et réduire les rappels dans la mesure du possible peuvent aider à mieux gérer la charge d'alerte, ce qui retiendra davantage l'attention des travailleurs.
Créez des plannings équilibrés
Même avec des seuils intelligents et des systèmes à plusieurs niveaux, les entreprises (en particulier celles de grande taille) peuvent gérer un grand nombre d'alertes.
Une fois les systèmes optimisés, il s'avère également judicieux d'examiner les processus et les personnes. Avez-vous suffisamment de professionnels d'astreinte ? Le fardeau des alertes pèse-t-il trop lourdement sur une personne ou une équipe, et ce fardeau peut-il être partagé ? Quelle est la fréquence des alertes ? Certaines périodes nécessitent-elles une couverture plus ou moins importante ?
Consolidez les informations
Le professionnel DevOps type utilise au moins cinq outils pour analyser en détail les problèmes de performance. Cela implique plusieurs emplacements, styles et types d'alerte… et beaucoup de travail en double. Si chacun des cinq systèmes dispose d'une alerte similaire, vous augmentez la charge de travail liée à votre revue des alertes de 500 %.
Plus vous consolidez les alertes et les informations, plus vous pouvez réduire la fatigue liée au tri de ces alertes et des informations qui les accompagnent.
Priorisez la revue et l'amélioration continues
Aucune solution universelle ne vous permet d'éliminer la fatigue d'alerte et les dangers qui en découlent. Il est essentiel d'examiner régulièrement vos processus, vos alertes et vos systèmes pour vous assurer de trouver le bon équilibre.
Vos employés manquent-ils certaines alertes ? Le cas échéant, pourquoi ? Vos seuils sont-ils trop élevés ou trop bas ? Les signaux visuels fonctionnent-ils correctement ? Les travailleurs ont-ils banalisé les alertes ? Un nouveau design attirerait-il plus l'attention ? Ces questions (et toute autre question similaire) devraient être réexaminées régulièrement.
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